Le Lying par Arnaud Desjardins

Lying
Lying

 

Arnaud DESJARDINS

LE LYING et la voie proposée par Swami Prajnanpad

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Puisque nous employons le mot « lying », nous nous référons à Swamiji Prajnanpad.

La première chose à dire, c’est que le lying n’est pas en lui-même une thérapie. C’est un fragment d’une voie, d’une démarche totale proposée par Swami Prajnanpad.

En entrant en relation avec lui, il n’était pas question de commencer par les lyings. On commençait par des entretiens, par une compréhension d’une vraie démarche de transformation personnelle, de vigilance, de conscience, de réunification. Il venait un moment où le nécessité du lying s’imposait. On pourrait théoriquement concevoir toute la voie de Swami Prajnanpad sans le lying. Swamiji lui-même, n’a jamais fait de lyings, alors qu’il n’y a pas un maître tibétain qui enseigne des techniques qu’il n’a pas vécues lui-même.

Il est vrai que des rapprochements peuvent être faits entre la voie spirituelle et la relation maître / disciple d’une part, et la thérapie et la relation thérapeute / patient d’autre part.

Donc la base du lying c’était la voie proposée par Swamiji. Une compréhension, c’est vrai, du but ultime, mais d’abord une vision de nos distorsions psychologiques, psychiques. C’est la première étape. Vous ne pouvez pas passer de l’anormal au supranormal. D’abord normal.

Nous étions supposés comprendre les grandes données de cet enseignement, les idées de base :

– Moi. S’il y a moi, il y a l’autre. la dualité du moi et du non-moi, vécue sur le double mode de ce que j’aime et de ce que je n’aime pas, ce qu’on appelle communément attraction et répulsion.

– Les deux lois implacables du changement et de la différence, et de reconnaître que ces lois sont à l’œuvre, et que la réalité ne répond que de temps à autre à mon attente.

Que je n’ai qu’un pouvoir limité sur la réalité parce que je n’ai un pouvoir que sur un petit nombre de chaînes de causes et d’effets, que la marche du monde, dans lequel je suis inséré, est le jeu d’innombrables chaînes de causes et d’effets, et que sur la plupart desquelles je ne peux rien.

Donc nous commençons à voir les fonctionnements distordus du mental qui refuse que ce qui est soit, qui surimpose ce qui devrait être sur ce qui est, et d’autres compréhensions qui s’affinent peu à peu. Et nous mettons en pratique à travers une attitude beaucoup plus consciente, beaucoup plus vigilante dans le courant de l’existence et dans les différentes situations.

Et nous discernons où sont nos difficultés particulières. « Qu’est-ce qui me fait particulièrement mal ?

Où est-ce que je suis particulièrement impuissant en face des émotions qui m’emportent ? » Nous les découvrons assez vite.

En principe, on pourrait se passer de lying. En pratique, je suis bien heureux d’avoir fait des lyings avec Swami Prajnanpad. Nous cernons ce qui nous paraît être particulièrement notre vulnérabilité. Soit dans les situations dont on comprend qu’elles nous fassent vraiment mal, soit dans des situations dont d’autres ne comprendraient pas du tout qu’elles puissent nous faire vraiment mal, et dont nous commençons à nous dire : « Mais comment se fait-il que cette situation me fasse vraiment mal ? »

Je vous donne un exemple personnel plutôt que d’évoquer les souvenirs de tel ou tel de ceux qui ont fait des lyings, autrefois au Bost. J’ai découvert que le changement que je n’ai pas souhaité, et devant lequel je me trouve sans avoir été prévenu, m’était insupportable. Je dois dire que malgré beaucoup de méditations et de voyages en Inde, il a fallu Swami Prajnanpad pour que ce genre de choses commence à m’apparaître :

« Ce n’est pas normal que ça me fasse si mal. »

Je venais de passer presque un an en Inde et en Afghanistan, à tourner des films, et en rentrant à la télévision, rue Cognac-Jay, je constatais qu’ils avaient supprimé le plateau 1, supprimé les loges, mis des bureaux pour le journal télévisé, tout bouleversé ! Ca m’a tué ! « C’est plus la télé, c’est plus la télé, ils n’avaient pas le droit ! », comme si c’était une catastrophe. « C’est plus la télé, je n’ai plus rien à y faire,

j’abandonne ce métier, ça n’a plus de sens ! », et en même temps je me disais : « Pas ce qui devrait être, mais ce qui est. C’est la loi du changement ». Je connaissais déjà Swamiji, j’étais imprégné de ce vocabulaire, je lisais des ouvrages de spiritualité depuis l’âge de 24 ou 25 ans.

Un autre exemple : j’étais amoureux d’une femme qui avait des cheveux longs. Un jour que je devais la retrouver à un rendez-vous, elle était allée chez le coiffeur et s’était fait couper les cheveux. Elle avait des cheveux longs qui pouvaient tomber jusqu’au milieu des épaules ou être noués en chignon. Elle s’était fait couper les cheveux ! Cela m’a été insupportable. C’était un mélange de désespoir, de désarroi, de haine, de fureur contre elle.

Donc, j’avais fini par cerner certaines circonstances où un changement inattendu m’avait fait mal.

Swamiji s’est dit : « Il y a quelque chose la derrière, il y a un changement inattendu qui s’est produit il y a bien longtemps et qui est latent dans l’inconscient d’Arnaud. »

Finalement, peu à peu, j’ai retrouvé, revécu des souvenirs, des bonheurs d’enfants brisés, des désespoirs qui étaient revécus avec une charge affective importante. Puis, tout d’un coup, j’ai commencé à me sentir mal à l’aise dans les lyings : je ne savais plus dans quoi je m’enfonçais, c’était insupportable. Je suffoquais comme un poisson qu’on a sorti de l’eau. Je ne faisais que répéter : « horrible, horrible ! ». Je ne savais pas de quoi il s’agissait. Cela va vous paraître banal : tout d’un coup, je me suis retrouvé à l’âge de deux ans, entrant dans la chambre chez mes grands-parents, quelques heures après que ma mère y ait accouché d’un petit frère. J’ai vu ma mère donner le sein au bébé et le regarder avec un visage empli d’admiration. le petit garçon n’a pas reconnu sa mère.

Sur mon cahier de notes, j’ai écrit : « Vision de cauchemar, ma mère a été changée.»

A partir de là, névrotiquement, toute mon existence a été fondée sur : « Le bonheur existe, mais je l’ai perdu dans un cataclysme et il faut le retrouver, et la terreur du changement. » Je simplifie, mais je ne simplifie pas abusivement. Cela a expliqué par la suite, en me souvenant, d’innombrables comportements. Et certains dont je n’aurais jamais imaginé que j’étais totalement mené par l’inconscient : « Un enfant a perdu sa vraie maman, il faut qu’il la retrouve ». A partir de là, j’ai pu gérer les émotions liées au changement. Elles ont continué, mais j’ai pu les gérer. Je n’étais plus submergé, emporté.

Pour moi, le lying de Swami Prajnanpad c’est une psychanalyse extrêmement sommaire. C’est privilégier l’abréaction dont il est question dans les premiers ouvrages de Freud – réagir des années plus tard à une action qui s’est produite des années plus tôt – et faire remonter à la conscience des souvenirs enfouis.

La théorie du lying par Swami Prajnanpad est sommaire : exprimer ce qui a été réprimé. Exprimer les émotions infantiles réprimées et laisser sortir. Voilà, ça s’arrêtait là.

Tous les autres commentaires qu’on peut faire sur le lying, c’était l’enseignement, la manière de Swamiji de nous diriger sur la voie qu’il proposait. Et les premières étapes de cette voie consistaient, avant de chercher le supranormal, le transcendant, l’infini, à devenir d’abord normal.

Si on envisage le lying comme je viens de l’évoquer, on voit à la fois ce qui est l’indication du lying et ce qui permet de dire : « Bon maintenant ça y est, on arrête ». Comme m’a dit Swamiji : « Vous pouvez rentrer en France maintenant. Le vrai travail va commencer. Maintenant, l’adulte que vous êtes aujourd’hui ne sera plus inextricablement confondu avec l’enfant et submergé par lui ». Ensuite, effectivement, de toutes ces émotions, j’ai pu reconnaître cette origine, au lieu de me contenter de souffrir et de me souvenir vaguement : « Pas ce qui devrait être, mais ce qui est, il faut dire oui à ce qui est ». Voilà le témoignage que je peux apporter.

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D’autre part, vous savez que le lying se faisait en thérapie résidentielle auprès de Swamiji, jour après jour. Dans ce genre de séjour, je faisais quatre lyings, un entretien; cinq lyings, un entretien. Chaque fois que je commençais à découvrir un peu quelque chose, qu’une émotion s’était exprimée, qu’un souvenir très fort était remonté, Swamiji me montrait par certains commentaires en quoi ça expliquait certains de mes comportements. Ça n’était pas uniquement « Le lying-allongez-vous ! », tous les jours…

Pour moi, la vraie démarche c’est l’enseignement de Swami Prajnanpad, qui est une manière de présenter l’enseignement éternel. La vérité, c’est la vérité. Il n’y a pas la vérité de Swami Prajnanpad et puis une vérité à côté, dans laquelle le lying trouve sa place.

Voilà quelle est mon expérience. Je comprends la manière dont le lying s’est peu à peu développé en France avec des personnes que je connais et que je cautionne.

Il y a eu quelques adaptations, mais ne perdons pas l’essentiel. Sinon on se dit : « Mais au fond, pourquoi je fais des lyings ? Je me sens mal, il faut que je fasse une psychothérapie ». Pourquoi, avec quelles intentions ?

L’idée : « exprimer, exprimer », ce n’est pas suffisant. Il faut qu’il y ait davantage de compréhension.

Et surtout, si je sais pourquoi je me suis engagé dans ces lyings, je voudrais reconnaître : « Maintenant, vous avez atteint la racine à partir de laquelle tout s’est mis en place ». Effectivement, j’ai pu, sans avoir jamais revécu ma naissance, contrairement à d’autres, avoir la mise en pratique nécessaire pour que, peu à peu, des résultats de plus en plus importants se produisent. Sinon , comment sentir: « On arrête », si on ne sent pas la racine de sa structure, de son mental particulier ?

Ma conviction, c’est qu’il y a une indication du lying. Il y a un travail pour rendre conscient l’inconscient, aussi audacieuse que soit cette formule, et il y a, souhaitons-le à tous, la possibilité d’atteindre la racine, peut-être ce que Janov appelle « la scène primale majeure », le traumatisme fondamental. Mais nous savons aussi qu’il existe des thérapies qui ont leur valeur et leur efficacité, et qui utilisent d’autres approches, même si le niveau spirituel n’est pas encore concerné.

Vous connaissez les trois niveaux: somatique (physique, physiologique), psychique (tout ce qu’étudie la psychologie) et spirituel.

C’est un niveau encore plus profond, celui auquel on accède par la méditation, celui qui concerne les contemplatifs, les yogis. Avant d’accéder au niveau spirituel, ou en même temps qu’on tente d’accéder, à ce qui est d’un autre ordre, non affecté, nous avons à accomplir un certain travail de purification sur le psychisme.

Cela a toujours été vrai. Même dans les autres voies qui se proclament ouvertement comme spirituelles, il y a toujours eu un travail à faire sur le psychisme.

Selon moi, même si nous employons le terme de psychothérapie, et pas celui de voie – de voie spirituelle -celle-ci ne peut pas ne pas comporter, outre un aspect d’expression directe des émotions, un aspect de compréhension, donc de face à face, assis et non plus allongé.

Je ne peux pas concevoir le lying – un lying efficace – et qui produira les fruits que vous espérez, sans une part d’entretiens, selon une ligne particulière. Votre but, ce n’est pas de faire des lyings, votre but, c’est de vous épanouir – que les souffrances diminuent dans votre existence, que la vie vous fasse moins mal, que les coups durs vous laissent sereins – et d’aller vers la sagesse.

Une part de l’enseignement de Swami Prajnanpad – tel qu’il s’exprime dans les lettres à ses disciples, dans des entretiens enregistrés – plus le lying, peuvent constituer une thérapie qui, vraiment, peut produire des fruits. Qu’au bout de quelque temps, vous sentiez : « Je change, je sens que je change vraiment, je change jusque dans la profondeur de moi-même »

(…)

Finalement, il s’agit dès le départ de comprendre certaines idées fondamentales : « Moi, l’autre, je suis dépendant de l’autre”. L’autre peut être un être humain, mais peut être un objet qui me trahit : une lampe qui ne s’allume pas quand j’ai besoin d’être éclairé, ou une voiture qui ne démarre pas quand je suis en retard.

L’attraction, la répulsion : comprendre ce qui fait réellement la souffrance. Il y aura toujours dans mon existence des éléments favorables et des éléments défavorables. Ça peut être une période vraiment sombre où j’accumule les coups durs. Ça peut être une période faste où il y a plutôt des bonnes nouvelles, mais il y aura toujours le favorable et le défavorable. Aucune transformation ne peut faire que la vie réponde toujours à notre attente.

Donc : « Comment est-ce que je peux arriver à être vraiment libre, à découvrir en moi cette conscience profonde, non affectée, par rapport à laquelle tout ce qui fait l’existence apparaît, non pas comme inexistant, mais comme tellement relatif ? » Là, nous entrons en effet dans un domaine que nous autres occidentaux ne soupçonnons pas, même si nous avons eu l’idée qu’il y a eu des mystiques dans le christianisme.

Et je vous dis, avec une conviction fondée par des témoignages probants et fondée à contrario par les témoignages, hélas, non probants des résultats de la démarche : vous progresserez d’autant mieux que vous prendrez en compte certaines idées qui font partie de l’enseignement de Swamiji, mais qui sont en effet les idées de base du Vedanta, plutôt que de dire : « C’est pas pour moi, c’est pas pour moi … »

Ce Vedanta n’est en contradiction avec aucune option métaphysique ou théologique. C’est une manière nouvelle de s’insérer, instant après instant, dans la réalité et dans la relation. Et cela peut nous conduire à ce qu’on a appelé Eveil, dont nous n’avons d’abord aucune idée, tellement nous sommes pris par la manière ordinaire de fonctionner.

Je le dis d’une façon aussi affirmative que possible : une vraie thérapie ne peut pas être seulement de s’allonger et d’exprimer ce qui nous fait suffoquer. Il faut qu’il y ait une part de compréhension, et selon moi, cette thérapie c’est tantôt le lying, et peut-être pas tout de suite le lying, et des entretiens éclairés par l’enseignement de Swami Prajnanpad.

Ce qui sera vraiment libérateur, ce qui produira des fruits, c’est votre mise en pratique, et pas le lying lui-même. Les entretiens, le lying, préparent à la mise en pratique, en situation. C’est là que se remportent les grandes victoires. Nous avons compris certaines clés, non pas pour ne plus avoir d’émotions, mais pour que ça ne nous fasse plus mal. Non pas pour ne plus avoir d’émotion, mais quand ça nous fera encore mal, pour le vivre d’une manière tout à fait nouvelle. C’est là que la partie se joue, et c’est là que les grandes découvertes peuvent se faire.

L’émotion qui me faisait si mal, sans que j’aie fui en aucune manière, et sans que la situation se soit modifiée, a disparu. Et cette situation qui me faisait si mal, ne me fait plus mal. Elle est toujours là, il y a des actions à accomplir, mais une paix, une sérénité, une ouverture se sont installées.

J’ai fait cette découverte extraordinaire : la souffrance est un malentendu.

J’ai vu que dans ce type de situation, on pouvait ne pas souffrir, « J’ai le droit de ne pas souffrir en tant qu’être humain ». Tout le monde souffre, et l’être humain est appelé à ne plus souffrir, même dans les conditions qu’on n’aurait pas souhaité. Cela va demander une pratique, menée avec certitude, avec conviction. Ce qui est important c’est que vous ayez cette certitude, cette conviction et la compréhension : « Qu’est-ce que je vais tenter ? »   Ce n’est pas : « J’ai mal, j’ai encore mal, le comportement de telle ou telle personne ou tel ou tel type de situation me fait encore mal, il faut que je fasse encore des lyings ». Ca peut durer une vie entière …

Même si vos lyings ont été remarquablement réussis, même si vous avez compris certaines vérités, même si vous avez vu clair dans votre propre psychisme, ce qui est le but d’une thérapie, ça vous fera encore mal, mais vous allez vivre cette émotion et ces pensées d’une manière nouvelle. Vous n’êtes plus impuissant, et vous remportez la victoire sur la souffrance, au cœur même de la situation et du vécu douloureux.

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Maintenant encore un point : c’est que le mental – en donnant à ce terme le sens d’un fonctionnement qui s’impose à nous, qui, hélas, règne sur l’humanité, mais qui peut disparaître, a plusieurs aspects:

Un aspect « physiologique », on utilise aujourd’hui l’expression psychosomatique : les stress peuvent nous détruire physiquement, et s’il y a une émotion, toutes sortes de modifications se produisent, parfaitement perceptibles pour des émotions très fortes, y compris les émotions heureuses (il est connu qu’on peut mourir de joie ! )

Il ne faut pas oublier non plus l’aspect « pensées ». Comment est-ce que le cerveau pense et pense, et pense … Que nous soyons d’accord ou non ? Quand vous êtes vraiment troublés, ou vraiment excités par quelque chose d’heureux, essayez d’entrer en méditation et de dire : « Je vais simplement m’abandonner dans le va-et-vient du souffle … »

Quel travail pouvons-nous faire sur les pensées ? Cela fait partie de notre démarche de comprendre que le moment où nous sommes en proie à une émotion, il y a l’aspect « pensées », et qu’il y a depuis toujours quelque chose que l’on a appelé la maîtrise des pensées. Le Bouddha a dit : « Celui qui est le maître de ses pensées est plus grand que celui qui est le maître du monde ».

Si nous essayons tant soit peu d’être maître de nos pensées, que ce soit de ne pas être trop distrait dans une tentative de méditation, ou d’échapper aux pensées quand il y a une émotion, nous nous apercevons que c’est terriblement difficile. Cela n’est pas impossible, et c’est très important. Juste exprimer les émotions, retrouver des souvenirs anciens, ce ne sera pas suffisant, s’il n’y a pas une attitude nouvelle, consciente, active, en ce qui concerne les pensées.

Dans une des lettres de Swami Prajnanpad, traduite en français, adressée je crois à Daniel Roumanoff, Swamiji dit : « Si votre ami veut se libérer de l’ivresse des intoxications émotionnelles et de l’engrenage des pensées, alors il peut venir, Swamiji le recevra ». Cela fait partie de la voie, mais aussi de la thérapie, si vous espérez que la thérapie va vous permettre de vivre beaucoup plus heureux, beaucoup plus serein, beaucoup plus à l’aise, beaucoup plus libre.

L’espérance que vous mettez dans ce travail se réalisera au-delà de tout ce dont vous osez rêver si vous intégrez une approche nouvelle des pensées : « Je vais mettre un peu d’ordre dans mes pensées ».   Il ne s’agit pas de les refouler, de les nier, il s’agit peu à peu d’atteindre une maîtrise, d’être capable d’arrêter certaines chaînes de pensées qui n’ont aucune valeur. De distinguer différentes sortes de pensées. Quelles sont celles qui sont justes, que nous appelons « voir », dans la terminologie de Swamiji, quelles sont celles qui sont anodines, inoffensives, et quelles sont celles qui quittent la réalité, qui se présentent comme justes et qui ne le sont pas, qui sont des rationalisations qui n’ont pas d’autres effets que de justifier l’émotion et d’aveugler à la réalité telle qu’elle est.

Je ne peux accéder à la vérité, la vérité du moment, la vérité relative, que s’il n’y a pas d’émotion. Je ne peux pas à la fois être ému et voir la réalité telle qu’elle est. L’émotion colore toujours la réalité.

J’insiste sur une distinction entre les différentes formes de pensées. Est-ce que je vois, est-ce que je revois, est-ce que je prévois ? Ou est-ce que nous sommes dans des pensées qui déforment complètement notre perception de la réalité dont nous sommes les esclaves, et qui, en fin de compte, nous maintiennent dans la souffrance, le doute, le malaise et l’incertitude ?

(…)

Si vous lisez les lettres de Swami Prajnanpad, soyez attentifs à un point, quand il emploie l’expression  » laissez l’émotion s’exprimer complètement et se dissiper », cela n’implique pas nécessairement l’expression extérieure de l’émotion. « Oui ça fait mal, oui je suis angoissé », jusqu’à ce ça se dissipe à force d’être accepté, mais pas entretenu par les pensées. Il y a un apprentissage à laisser la réaction émotionnelle se produire et se dissiper, c’est une grande part de notre démarche. C’est une autre expression de Swami Prajnanpad : « Laissez l’émotion avoir son jeu complet et se dissiper ».

«   Je suis un avec l’émotion, je ne la nie pas, je ne la refoule pas, je ne l’entretiens pas non plus en m’identifiant à toutes les pensées qui justifient l’émotion ». Elle est là. Il faut la laisser, sans conflit, sans refus, sans opposition, et elle se dissipe vraiment. Et cela peut s’accomplir au bureau, à deux heures du matin chez vous : vous êtes réveillé, assis dans votre lit, vous êtes tordu par l’angoisse, et vous n’entrez pas en conflit avec l’angoisse. Vous n’êtes pas tenu de hurler. C’est tout à fait possible.

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Encore un point. Je vous en prie, ne dites pas : « Je fais d’abord mes lyings, pour ce qui de l’enseignement, on verra plus tard. plus tard ».

Dans le lying, on se laisse emporter, et, comme on est venu pour cela, qu’on est d’accord pour être emporté, complètement d’accord, ça ne s’appelle plus être emporté, ça s’appelle « être un avec ». Si vous êtes un avec l’émotion, la situation, le lying n’est plus un moment d’horreur, c’est un moment de liberté, de béatitude. Cela peut être spectaculaire pour un profane un novice qui assisterait au lying ! Vous passez entièrement du côté de la souffrance, il ne reste plus “quelqu’un” pour souffrir.

Oui, le lying peut être une expérience spirituelle élevée, mais les expériences spirituelles très élevées ne suffisent pas pour constituer une voie. Elles sont très utiles, nous aurons beaucoup moins peur de la souffrance. « Je ressens une émotion douloureuse, ça ne me terrifie plus, ça ne me désespère pas d’être désespéré, ça ne m’angoisse plus de constater une angoisse ».

Cela, le lying peut nous y préparer, mais ce qui sera vraiment efficace, c’est la découverte de ce qu’on peut appeler la mise en pratique, la découverte de ce qui vous est possible quand vous êtes seul, pour devenir le vainqueur de la souffrance.

Passer au-delà comme l’a promis le Bouddha, comme l’a promis le Christ, afin que votre joie soit parfaite, afin que votre joie demeure. C’est la paix qui dépasse toute compréhension.

Oui, si vous situez le lying dans une perspective plus grande, plus profonde, cela vous aidera beaucoup.

Passer des vacances zen !

Vacances zen
Vacances zen

DEUX PRINCIPES BOUDDHISTES À SUIVRE POUR PASSER DES VACANCES ZEN.

L’été est une période propice à se donner de nouveaux défis. S’inspirant de vélocipédistes canaris, d’aucuns se lancent par exemple dans l’ascension du Mont Ventoux ou -plus fou encore- dans la lecture de Guerre et Paix (voire des deux à la fois pour les plus habiles d’entre nous). D’autres encore s’efforcent de rentrer de vacances encore plus bronzés (ou plus minces, plus musclés, etc.) que l’année précédente. Aujourd’hui, c’est à un autre défi -spirituel celui-ci- que nous vous proposons de vous colleter, à savoir: adopter pendant les vacances deux des principes de la philosophie bouddhiste.

Des principes universels

Issus de l’une des plus anciennes spiritualités de l’humanité (2600 ans avant J.-C.), ces principes (ou « règles de vie ») ont la saveur familière des choses connues. Leur richesse abyssale est d’ailleurs commune à la plupart des textes sacrés, signe sans doute d’une fraternité inter-religieuse souterraine qui peine parfois à s’exprimer au grand jour. Ces recommandations pour la vie quotidienne apparaissent ainsi à travers les siècles dans les écrits des philosophes, des mystiques ou des simples poètes. Nous vous invitons ici en toute simplicité à en redécouvrir les parfums, à en explorer la substantifique moelle et pourquoi pas à en semer vous-même les graines pendant ces vacances.

Un défi spirituel… et quelques mises en garde

Mais avant d’aller plus loin, voici quelques mises en garde salutaires contre les potentiels effets secondaires de ce qui s’annonce -osons le mot- comme un véritable défi spirituel. Tout d’abord: adopter ces principes bouddhistes risque de vous faire changer de vie, ou de regard et d’adopter un œil neuf sur ce qui vous entoure. Peut-être pas tout de suite, mais à plus ou moins long terme. Vous risquez, pour citer les effets secondaires les moins handicapants, de vous retrouver les fesses dans l’herbe à contempler une fourmi ou le nez au vent et sans K-Way, sous un orage d’été. Alors, un conseil: si votre vie actuelle vous convient parfaitement, ne lisez surtout pas ce qui va suivre.

1er principe: adopter une « Solitude lumineuse »

Sous cette expression empruntée à Pablo Neruda, se cache le secret de la sérénité: seul, paisible, le corps offert aux nuages blancs, contempler les gouttes de rosée scintiller sur les herbes sauvages. Mais rassurez-vous, pour en arriver à ce degré de sérénité, le sage s’est longuement coltiné sa peur de la solitude. Il a dû gravir un par un les étages de la maison du bonheur. Et au premier d’entre eux l’attendait cet obstacle commun à toute l’humanité: le manque. Qu’il s’agisse du manque de l’être aimé, de richesse suffisante, du manque d’amour de soi, de vacances, d’espoir, chaque expression du manque s’est traduite par un souffle coupé et une sensation bizarre « Là, tu sais au creux du plexus… » Alors, pour oublier ce manque, le sage-en-devenir s’est tout d’abord lancé dans des activités aussi diverses que: grignoter, acheter des trucs inutiles, se mettre en colère contre quelqu’un, câliner son chat, chercher une nouvelle appli de méditation sur son iPhone, etc.

Peu à peu, inspiré par les enseignements de sages plus anciens (ô merveille d’avancer en âge) notre apprenti-sage s’est résolu à s’asseoir en silence et à affronter le manque. Petit samouraï de l’existence, il a alors découvert que sa solitude était lumineuse: comme un endroit-ressource pour tranquillement aller à la rencontre de tous les démons de son existence, les laisser s’exprimer et -faut pas déconner quand même- les raccompagner gentiment vers la sortie (pour savoir comment faire: rendez-vous ici). Alors, tout doucement, dans l’athanor des jours qui maturent, sa solitude a pris de belles couleurs pour préparer l’hiver.

2ème principe: se saouler de silence

Si vous avez poursuivi votre lecture jusqu’ici, votre chemin spirituel a sans doute commencé. Tant mieux car notre propos va maintenant aller crescendo et vous pourrez bientôt faire profiter vos contemporains de vos nouvelles connaissance. Mais… pas tout de suite! Car l’épreuve suivante invite à sa table les convives mutiques et libérés du carcan des mots. Exercice spirituel: ouvrez vos esgourdes aux mystères du son. Ne cherchez rien. Tout est déjà là. Dans le silence entre les mots. Prenez conscience, là, tout de suite, des sons qui vous entourent. C’est tout. Mais un secret vous sera révélé.

Vous l’aurez compris, nul besoin pour goûter au silence d’avoir conquis de haute lutte le silence extérieur: le silence est là, au milieu des villes, quand le vacarme intérieur s’apaise. La pratique du silence est donc celle d’ici-bas, dans les conditions de vie qui sont les nôtres. Tout de suite. Elle est possible en tout endroit du globe, à toute heure de la journée et elle est gratuite. Se saouler de silence est donc possible à toute heure du jour et de la nuit. Et plus, les amoureux et mystiques de tout poils sont formels: l’ivresse qui en découle est la seule qui permet la Rencontre.

Kankyo Tannier
Nonne bouddhiste de la tradition Zen.

Merci à l’Union Bouddhiste de France pour avoir mis ce texte

Le renoncement

Renoncement
Renoncement

LE RENONCEMENT

Afin de pouvoir embrasser pleinement la voie spirituelle, de pouvoir y grandir et de la parcourir avec un sentiment de sécurité, nous devons d’abord passer par le renoncement. Le renoncement ne signifie pas nécessairement se raser les cheveux ou s’engager sur la voie monastique.

Le renoncement signifie lâcher toutes les idées et tous les espoirs auxquels l’esprit voudrait s’accrocher, et souhaiter profondément comprendre, analyser, aller au fond des choses.

L’esprit voudrait toujours plus de tout. S’il ne peut obtenir davantage, il s’invente toutes sortes d’histoires qu’il projette ensuite sur le monde. Cela n’apportera jamais aucune satisfaction véritable, aucune paix intérieure car celle-ci ne peut être que le fruit du renoncement. « Lâcher-prise » est le mot-clé de la voie bouddhiste, la disparition progressive du désir. Nous devons comprendre une bonne fois pour toutes que « davantage » ne signifie pas « meilleur ». Vouloir davantage n’a jamais de fin, il y aura toujours une chose qui nous manquera. Il est par contre tout à fait possible d’atteindre le bout de la voie du renoncement ; c’est donc une approche bien plus sensée.
Pourquoi participer à une retraite méditation et manquer ainsi toutes les opportunités de réjouissances qu’offre le monde ? Vous pourriez voyager, vous investir dans un travail valorisant, rencontrer des gens intéressants, écrire des lettres ou lire des livres, avoir du bon temps ailleurs et vous sentir tout à fait bien ; vous pourriez même trouver une autre voie spirituelle. Quand la méditation est infructueuse, on peut se dire : « Qu’est-ce que je fais là? Pourquoi suis-je assis ici ? Qu’est-ce que je peux espérer en obtenir ? » Puis une idée surgit : « Je n’y arrive vraiment pas bien du tout, je devrais peut-être essayer autre chose. »

 

Le monde est plein de promesses alléchantes mais il ne tient jamais ses promesses.

Jamais. Tout le monde a essayé nombre de ses tentations, mais aucune n’a vraiment été pleinement satisfaisante. La satisfaction véritable, la paix parfaite, l’absence de désir, ce bien-être qui consiste à être bien sans rien désirer, tout cela ne peut se trouver dans le monde. Rien ne peut assouvir pleinement et définitivement nos besoins. L’argent, les biens matériels, la compagnie d’une autre personne peuvent apporter un bien-être passager, mais nous sommes toujours en proie au doute : « Peut-être que je pourrais trouver quelque chose de mieux, de plus satisfaisant, de plus facile, de moins contraignant… et surtout, quelque chose de nouveau. » Car ce qui est nouveau est toujours plein de promesses.
Il faut comprendre l’esprit tel qu’il est : c’est un sens comme les autres, qui a pour organe le cerveau, tout comme la vue a pour organe l’œil. Dès que la conscience apparaît et que le contact est établi, nous commençons à croire qu’il y a un « moi » qui pense et qui est même propriétaire de ces pensées. De ce fait, nous sommes très intéressés par nos pensées et nous voulons les préserver – il est bien connu que les gens veillent davantage sur ce qui leur appartient que sur les biens de leurs voisins – de sorte que chacun suit ses propres pensées et croit à ce qu’elles racontent.

Mais ces pensées n’apporteront jamais le bonheur ; elles apportent espoir, inquiétude et doute.

Parfois elles sont amusantes, d’autres fois déprimantes. Quand le doute apparaît, et que l’on se laisse emporter par lui, on peut en arriver au point de cesser complètement la pratique. Pourtant, pratiquer la méditation est la seule manière de vérifier que la vie spirituelle apporte la plénitude. Tout comme il faut se nourrir pour apporter la preuve des bienfaits de la nourriture : personne d’autre ne peut nous le prouver ; chercher des preuves à l’extérieur pour n’avoir plus qu’à s’emparer de la nourriture et l’avaler n’est pas une approche juste.

La plénitude que nous recherchons n’est pas quelque chose que nous pouvons saisir et avaler pour remplir notre corps et notre esprit. Le trou béant de nos désirs et de nos attachements est trop profond pour pouvoir être comblé.

La seule manière que nous ayons d’atteindre la plénitude est de laisser aller tous nos désirs, toutes nos attentes et tout ce qui peut traverser notre esprit, de sorte qu’il n’y ait plus de sensation de manque. Dès lors, il n’y a plus rien à combler.

Le malentendu qui revient sans cesse est dû à notre attitude : « Je veux recevoir. Je veux obtenir la connaissance, la compréhension, l’amitié bienveillante, la considération. Je veux atteindre l’Eveil. » Mais il n’y a rien que nous puissions recevoir de l’extérieur, hormis une méthode et des instructions pour bien pratiquer. Il est indispensable de faire l’effort de pratiquer au quotidien pour connaître la purification.

L’insatisfaction chronique dont nous souffrons ne peut pas être comblée par quelque chose de nouveau qui nous serait donné.

Nous ne savons même pas d’où ce quelque chose pourrait venir : peut-être du Bouddha, ou du Dhamma, ou de notre maître. Nous voudrions peut-être que cela nous arrive par la méditation ou la lecture d’un livre… La réponse ne viendra pas d’un quelconque apport extérieur à nous ; elle se trouve dans le renoncement radical.
De quoi faut-il se débarrasser en priorité ? De préférence, commençons par nous libérer de toutes les circonvolutions de l’esprit, de toutes ces histoires insensées et irréalistes qu’il nous raconte et que nous ne pouvons pas nous empêcher de croire. Une façon simple de ne pas nous laisser piéger par ces histoires est de les coucher sur le papier ; une fois écrites, elles paraissent aussi ridicules qu’elles le sont en réalité. L’esprit peut toujours continuer à inventer de nouvelles histoires ; c’est sans fin. C’est pourquoi la clé de la libération est dans le renoncement : laisser passer, lâcher-prise.
Laisser aller, c’est aussi laisser monter l’intuition profonde, subconsciente, que ce que le monde propose n’est pas satisfaisant, qu’il y a une autre voie.

Il n’est pas possible de continuer à rester dans le monde en essayant d’y ajouter sans cesse quelque chose de nouveau ;

nous devons renoncer une fois pour toutes à ce genre d’ambition. Rester comme nous sommes et ajouter quelque chose : comment cela pourrait-il fonctionner ? Ajouter une pièce à une machine qui ne fonctionne pas ne la fera pas fonctionner ; c’est toute la machine qu’il faut réviser !

Cela signifie qu’il faut accepter consciemment ce que nous savons déjà au fond de nous : que notre façon habituelle de penser n’a aucune utilité. La preuve en est que dukkha – l’insatisfaction, la souffrance – est toujours là. Il revient sans cesse, n’est-ce pas ? On peut se dire parfois : « C’est de la faute de telle personne » ou bien : C’est sûrement à cause du mauvais temps ». Et puis le temps s’améliore ou la personne en question est partie, mais dukkha est toujours présent. Nous voyons bien que ce n’était pas la cause de notre insatisfaction, alors nous cherchons d’autres raisons. Au lieu de cela, nous devons nous montrer souples et attentifs pour observer ce qui apparaît dans l’esprit, une fois éliminées toutes les circonvolutions, les inventions et l’agitation. Ce qui apparaît alors peut être pur ou impur, et nous devons apprendre à traiter chacune de ces manifestations.
Dès que nous cherchons à expliquer et rationaliser ce qui se passe alors, tout le processus s’écroule à nouveau.

Nous devons arrêter de penser que nous devons ajouter quelque chose à ce qui est pour devenir un tout.

Nous devons, au contraire, retirer absolument tout ce que nous pouvons nommer pour pouvoir être « un ».

Le renoncement, c’est le lâcher-prise de tous les concepts, de toutes ces pensées qui prétendent que nous sommes quelqu’un qui sait.

Mais d’où nous vient la connaissance de cette personne qui sait ? Ce ne sont là que des idées qui se bousculent, qui apparaissent et disparaissent sans cesse. Le renoncement ne se manifeste pas à l’extérieur ; ce qui se voit n’en est que le résultat.

L’origine est à l’intérieur de soi, et c’est là que nous devons pratiquer. Si vous pensez qu’un monastère est propice à la méditation, vous verrez que cela ne suffit pas : la méditation ne peut se faire sans le renoncement.

par Ayya KHEMA

La Patience

Patience
Patience

LA PATIENCE

La patience est, en essence, la capacité de supporter la souffrance sous toutes ses formes. Cette vertu est comparable à un terrain fertile où les fleurs de trois disciplines peuvent s’épanouir en répandant le parfum suave de leurs qualités. Pareille aussi à la clôture qui protège ces fleurs, la patience présente trois aspects : i y a d’abord la patience qui permet d’assumer le fardeau des souffrances et des difficultés rencontrées lorsqu’on œuvre à son propre bien et à celui des autres ; puis la patience d’accepter, imperturbablement, tous les maux que les autres peuvent nous infliger ; et enfin, la patience qui consiste à na pas craindre les enseignements profonds, comme ceux qui portent sur la vacuité.

In n’y a pas de limite au nombre de choses susceptibles de nous nuire, de même qu’il est impossible d’éliminer toutes les épines d’une forêt. Pour ne pas que ces dernières nous blessent, il faut soit éviter de se rendre dans cette forêt, soit couvrir de cuir la plante de nos pieds. La pensée que nous ne voulons pas de quelque chose engendre en nous un ressentiment, qui à son tour, provoque une colère nous rend malveillants, nous-mêmes, et les autres par contrecoup. Au départ, il ne s’agit que d’une pensée, en l’occurrence la pensée qu’une chose particulière nous est indésirable laquelle engendre à son tour un sentiment de répulsion. Si nous parvenons, par ce qu’on appelle l’ascèse da la patience, à contrôler cette seule impulsion avant qu’elle devienne trop forte, le fardeau qu’elle représente et qui nous semble insupportable devient alors une aide, et le besoin de se mettre en colère disparaît. Comme dit le proverbe : « Frappe le cochon sur le nez ! Nettoie la lampe à beurre tant qu’elle est chaude ! »

Au moment où quelqu’un nous critique, les mots, l’ouïe et la conscience auditive entrent en contact en causant une forte sensation de déplaisir. C’est un peu comme si une flèche nous transperçait le cœur et le mettait en pièces. Pourtant, à bien y regarder, ces paroles sont pareille à des échos. Même s’ils semblent atteindre leur but, les mots en eux-mêmes n’ont aucun pouvoir d’infliger une douleur réelle. Or que se passe-t-il ordinairement dans ce genre de situation ? Notre habitude de pensée, qui ne fait pas de distinction entre le mot et ce qu’il désigne, se fixe sur l’idée que les paroles malveillantes que nous entendons nous nuisent réellement par leur nature même. C’est ainsi que s’instaure l’interaction de l’agresseur et de l’agressé, laquelle nous perturbe et nous fait souffrir.

Tout ce qui nous cause du tort dans le monde où nous vivons- les coups, le vol, la défaite, les médisances, etc.-, ainsi que leurs interminables effets que sont les souffrances du corps et de l’esprit, tout cela nous semble dû aux autres. Mais, tout comme l’écho du cri que nous venons de pousser, ces maux proviennent en fait de nous-mêmes. Si nous n’avions pas le moindre sentiment de « moi », les autres n’auraient personne à qui nuire.

A bien y réfléchir, notre agresseur, plutôt que de nous faire du mal, nous fait un grand bien, puisque la patience s’acquiert dans l’adversité. C’est grâce à l’ennemi qui nous cause du tort que nous pouvons embarquer sur la nef de la patience pour traverser l’océan du Grand Véhicule : et c’est ce navire qui nous permettra de gagner le précieux joyau de l’esprit d’Eveil. La cause suprême du bonheur et du bien ultime, pour les autres comme pour nous-même, dans l’immédiat comme à long terme. Dès lors, tout ennemi malfaisant doit être considéré comme la source de notre patience et mérite que nous l’honorions à l’égal du Dharma lui-même.

Considérons enfin la patience du point de vue de la réalité ultime. Si l’on se demande où est la réalité de ce qui nous agresse, en la cherchant aussi bien dans l’agresseur que dans l’agressé ou l’acte d’agression, on constate qu’on ne peut la découvrir nulle part. Or, comme nous l’avons expliqué auparavant, quand certaines circonstances se trouvent réunies, c’est l’esprit qui, en s’appropriant des circonstances, donne soudain naissance au problème dont nous souffrons. Et, en examinant à son tour l’esprit, on constate qu’il ne possède pas de caractéristiques immuables.

De même que s’effacent, à peine tracées, les lettres que l’on écrit avec le doigt sur l’eau, la violence des pensées hostiles disparaît, incapable de se maintenir puisque, par nature, elle ne doit son existence qu’à un concours de causes et de conditions. A cet instant même se manifeste un état parfaitement pur et spacieux, la grande vacuité primordiale, libre de tout concept. Préserver cette dimension spacieuse qui est simplement présente et dans laquelle il n’est rien à perdre ni rien à gagner, rien à prendre ni rien à rejeter, la préserver, donc, sans être distrait par quoi que ce soit d’autre, c’est ce que l’on appelle, sur la profonde Voie Médiane, « la purification des émotions négatives dans la réalité ultime ».

La patience présente donc trois aspects : le fait d’assumer de bon cœur les épreuves et les difficultés, celui de rester imperturbable quand les autres nous nuisent, et celui de ne pas avoir peur de la réalité ultime. Si ce dernier aspect de la patience vient à manquer, les deux autres ne permettent pas de dépasser les voies mondaines ; et si les deux autres manquent ou sont trop faibles, on aura beaucoup de mal à acquérir les qualités propres à la voie et au fruit de la voie en pratiquant la générosité et les autres vertus transcendantes, quel que soit son désir d’y parvenir. Il en sera comme d’un voyageur qui, sans compagnon ni escorte, aurait pris une route infestée d’ennemis, de bandits et de bêtes féroces. Il lui sera extrêmement difficile de parvenir à destination. Exhortons-nous donc nous-même et entraînons-nous à la patience en cultivant le courage.

Kangyour Rimpotché

Merci à l’Union Bouddhiste de France pour ce texte

Ni sujet, ni objet

Lama Guendune
Lama Guendune

Tout ce que nous percevons n’a pas de réalité propre, mais est la radiance de l’esprit. Nous pratiquons la méditation de façon à laisser l’esprit s’établir dans la rencontre de sa propre projection. Ainsi, nous ne créons plus de séparation entre un sujet qui perçoit et un objet qui aurait sa propre réalité. Nous comprenons qu’il n’y a ni sujet ni objet.

Guendune Rinpoché. Mahamoudra.

La compassion stupide

Stop
Stop

COMPASSION STUPIDE

 
Un ennemi proche de la compassion est la compassion stupide. C’est alors que nous évitons les conflits et protégeons notre bonne image en étant gentil alors que nous devrions certainement dire «non».

Compassion n’implique pas seulement d’essayer d’être bon. Lorsque nous nous trouvons dans une relation agressive, nous avons besoin de fixer des limites claires. La chose la plus gentille que nous puissions faire pour tout le monde concerné est de savoir quand dire «assez». (…)

Au nom de l’idéal de garder notre cœur ouvert nous laissons les gens marcher sur nous. Il est dit que pour ne pas briser notre vœu de compassion nous avons à apprendre quand stopper l’agression et tracer la ligne. Il y a des moments où la seule façon de faire tomber les barrières est de fixer des limites.
~ Ani Pema Chodron (traduction libre)

Qui est le penseur ?

Eveil
Eveil

Si vous vous trouvez dans la situation où vous pensez méditer de façon correcte, ne rejetez pas cette pensée mais regardez qui pense cela.

Regardez le sujet, essayez de trouver une forme, une couleur, quelque chose qui puisse définir le penseur.

Quand nous nous apercevons qu’il n’y a rien à voir, qu’il n’y a pas de penseur, nous nous libérons de la pensée.

Ce moment où nous reconnaissons que le penseur n’est pas une entité réelle est le moment de la réalisation.

Lama Guendune Rinpoché

Les derniers paroles de Bouddha

Bouddha couché
Bouddha couché

Tandis qu’il était couché entre les arbres du bois de Sala, à Kushinagar, le Bouddha s’adressa pour la dernière fois à ses disciples, insistant encore une fois sur l’importance du Dharma. Il voulait que le Dharma soit leur maître, et non une personne. Il leur dit :


Soyez vous-même votre lampe, soyez vous-même votre recours ; ne dépendez pas de quelqu’un d’autre. Que mon enseignement soit votre lampe, qu’il soit votre recours ; ne dépendez pas d’un autre enseignement…


Regardez votre corps et voyez combien il est impur. Sachant que le plaisir et la douleur du corps sont pareillement cause de souffrance, comment pouvez-vous laisser libre cours à ses désirs ?


Regardez votre esprit et voyez combien il change. Comment pouvez-vous tomber dans l’illusion à son sujet et entretenir l’orgueil et l’égoïsme, alors que vous savez que ces sentiments vous conduiront inévitablement à la souffrance? Regardez toutes choses, pouvez-vous trouver en elles quelque chose qui soit durable ? Sont-elles autre chose que des agglomérats qui, tôt ou tard, se briseront et seront dispersés? Ne soyez pas effrayé en constatant l’universalité de la souffrance, mais suivez mon enseignement, même après ma mort. Ainsi, vous vous débarrasserez de la peine. Oui, faites cela et vous serez vraiment mes disciples.


Mes disciples « les enseignements que je vous ai donnés, vous ne devez jamais les oublier, ni les laisser perdre. Ils doivent toujours se conserver, être étudiés, être pratiqués. Si vous suivez mes enseignements, vous serez toujours heureux.


L’important, dans mon enseignement, c’est que vous contrôliez votre esprit. Rejetez la convoitise et gardez votre corps droit, votre esprit pur et vos paroles sincères. Si vous vous rappelez constamment le caractère passager de votre vie, vous serez capable de mettre fin à la convoitise et à la colère et d’éviter tout le mal.


Si vous remarquez que votre esprit est tenté ou empêtré dans la convoitise, il vous faut supprimer la convoitise et contrôler la tentation. Soyez vous-même le maître de votre esprit.


C’est son propre esprit qui fait d’un homme un bouddha ou qui en fait une bête. Trompé par l’erreur, on devient un démon, éveillé, on devient un bouddha. Par conséquent, contrôlez votre esprit et ne le laissez pas s’écarter du Noble Chemin.


Conformément à mon enseignement, ayez du respect les uns pour les autres et évitez les disputes. N’imitez pas l’eau et l’huile qui se repoussent mutuellement ; imitez plutôt l’eau et le lait, qui peuvent se mélanger parfaitement.


Étudiez ensemble, enseignez ensemble, pratiquez ensemble. Ne gaspillez pas votre esprit et votre temps en oisiveté et querelles. Jouissez des fleurs de l’éveil en leur saison et moissonnez le fruit du Droit Chemin.


Les enseignements que je vous ai donnés, j’en ai eu l’idée en suivant moi-même le chemin. Il vous faut suivre ces enseignements et vous y conformer en toutes circonstances.
Si vous les négligez, c’est que vous ne m’avez pas réellement rencontré, c’est que vous êtes en réalité loin de moi, bien que vous soyez maintenant assis auprès de moi. Si au contraire vous acceptez et pratiquez mes enseignements, quand bien même vous seriez à l’autre bout du monde, vous êtes tout près de moi.


Mes disciples, ma fin approche, notre séparation ne saurait tarder. Cependant, ne vous lamentez pas. La vie est un changement continuel et ; rien n’échappe à la dissolution du corps. Cela, je vais vous le montrer maintenant par ma propre mort, mon corps se dissolvant comme une charrette délabrée.


Ne vous lamentez pas vainement, émerveillez-vous plutôt de cette loi du devenir et apprenez ainsi combien vide est la vie humaine. N’entretenez pas le désir absurde de voir demeurer ce qui est transitoire.


Le démon des désirs mondains cherche toujours le moyen de tromper l’esprit. Si une vipère vit dans votre chambre, vous ne pourrez dormir tranquille qu’après l’avoir chassée. Il vous faut briser les liens des désirs mondains et les chasser comme vous le feriez avec une vipère. Il vous faut sérieusement protéger votre esprit.


Mes disciples, mon dernier moment est venu, mais n’oubliez pas que la mort, c’est seulement la dissolution de ce corps physique. Le corps est né des parents, il a grandi grâce à la nourriture, inévitables pour lui sont la maladie et la mort.


Le vrai Bouddha, lui, n’est pas un corps humain. C’est l’éveil. Un corps humain doit disparaître, mais la sagesse de l’éveil, elle, demeure éternellement dans la vérité du Dharma, dans la pratique du Dharma. Celui qui voit seulement mon corps ne me voit pas réellement. C’est seulement celui qui accepte mon enseignement qui me voit réellement.


Après ma mort, le Dharma sera votre maître. Suivez le Dharma et ainsi, vous me serez fidèles. Durant les quarante-cinq dernières années de ma vie, je n’ai rien tenu caché de mon enseignement. Il n’y a pas d’enseignement secret, ni de sens caché. Tout a été enseigné ouvertement et clairement.


Mes chers disciples, maintenant, c’est la fin. Dans un instant, j’atteindrai le nirvana. Voilà mes dernières instructions.

Ce que pense le Bouddha de la méditation

Méditation
Méditation

On a demandé à Bouddha :

Qu’avez vous gagné avec la méditation ?

Il a répondu : RIEN

Par contre, laissez-moi vous dire ce que j’ai perdu :

la colère, l’anxiété, la dépression, l’insécurité,

la peur de vieillir et la peur de la mort !

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