Pourquoi méditer ?

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Ayya Khema

Extrait du livre « Being Nobody, Going Nowhere »

Traduit par Jeanne Schut

Pourquoi la méditation est-elle si importante ? Vous devez le savoir, sinon vous ne seriez pas en train de lire ce texte. Je voudrais insister sur le fait que la méditation n’est pas seulement une chose que l’on fait en plus du reste, quand on a du temps libre, mais qu’elle est essentielle à notre bien-être.

L’une de nos absurdités humaines consiste à penser constamment soit au passé, soit à l’avenir. Les jeunes pensent à l’avenir parce qu’ils en ont plus devant eux ; les plus âgés pensent davantage au passé parce que, pour eux, c’est là qu’il y a le plus à penser. Mais, pour vraiment vivre la vie, nous devons vivre chaque instant au présent. La vie ne s’est pas produite dans le passé – cela, ce sont des souvenirs. La vie ne se produira pas dans l’avenir – cela, ce sont des projets. Le seul moment où nous pouvons vivre la vie, c’est maintenant, à cet instant précis. Et, aussi absurde que cela puisse paraître, c’est une chose que nous devons apprendre à faire. En tant qu’êtres humains, avec une espérance de vie de soixante, soixante-dix ou quatre-vingts ans, nous devons apprendre à vraiment vivre la vie au présent. Quand nous aurons appris cela, nous aurons éliminé un grand nombre de nos problèmes.

Comme cela paraît simple mais comme c’est difficile ! Tous ceux qui s’y sont essayé le savent. Ceux d’entre vous qui n’ont pas encore essayé le découvriront certainement. Une prémisse tellement simple mais pas du tout facile à réaliser. Il n’y a qu’un seul moyen d’apprendre à vivre dans l’instant présent et c’est la méditation. La méditation a également d’autres aspects et facettes qui vont nous aider dans cet apprentissage.

Nous sommes tous parfaitement capables de prendre bien soin de notre corps. Nous le lavons au moins une fois par jour, souvent plus, et nous sortons avec des vêtements propres. Nous reposons notre corps la nuit – presque tout le monde a un endroit où dormir ; nous ne pourrions pas résister aux tensions de la vie si nous ne prenions pas de repos. Nous avons un toit pour protéger le corps de la pluie, du vent, du soleil, de la chaleur et du froid ; nous ne pourrions pas bien fonctionner sans cela. Nous nourrissons le corps avec des aliments sains pas avec du poison ; nous lui donnons ce que nous estimons bon pour lui. Nous faisons aussi des exercices physiques, au moins de la marche, sinon nos jambes seraient atrophiées et nous ne pourrions plus les utiliser. Eh bien, il faut faire exactement la même chose pour l’esprit !

En fait, il est encore plus important de prendre bien soin de l’esprit car c’est lui qui est le maître, tandis que le corps est son serviteur. Le meilleur des serviteurs, en parfaite condition physique, jeune, fort et vigoureux, s’il a un maître faible et dissolu qui ne sait pas quoi faire, ne pourra pas travailler convenablement. Le maître doit diriger le serviteur. Même quand le serviteur n’est ni très fort ni très vigoureux, si le maître est sage et efficace, la maisonnée sera en ordre.

L’esprit et le corps sont notre demeure. Si la demeure intérieure n’est pas en ordre, aucune maison extérieure ne peut l’être. La maison dans laquelle nous vivons et nous travaillons dépend de l’ordre que nous aurons créé dans notre demeure intérieure. Le maître, celui qui est responsable, doit être dans la meilleure forme possible.

Rien dans l’univers n’est comparable à l’esprit ni ne peut le remplacer. Tout est fabriqué par l’esprit. Pourtant nous le prenons tel qu’il est, sans y penser, ce qui est encore une autre absurdité. Personne ne prend le corps tel qu’il est, sans y penser. Quand le corps est malade, nous courons chez le médecin ; quand il a faim, nous le nourrissons vite ; quand il est fatigué, nous le mettons au repos. Mais qu’en est-il de l’esprit ? Seul le méditant prend soin de l’esprit.

Prendre soin de l’esprit est essentiel si nous voulons que la vie grandisse en profondeur et en vision. Sinon, elle reste en deux dimensions. La plupart des gens vivent leur vie en fonction de la réalité d’hier et de demain, du bien et du mal, du « j’aime » et du « je n’aime pas », du « je veux ceci et je ne veux pas de cela », du « ceci est à moi et cela est à toi ». Ce n’est que lorsque l’esprit est entraîné que nous percevons d’autres dimensions.

La première chose à faire avec l’esprit est de le laver, de le nettoyer ; pas seulement une ou deux fois par jour comme nous le faisons pour le corps mais à tout moment de la journée. Pour y parvenir, nous devons apprendre comment faire. Pour le corps, c’est très simple, nous utilisons de l’eau et du savon ; nous avons appris à nous laver quand nous étions enfants. Mais l’esprit ne peut être lavé que par l’esprit lui-même. Ce que l’esprit a mis là, l’esprit peut le retirer. Une seconde de concentration en méditation est une seconde de purification parce que, fort heureusement, l’esprit ne peut faire qu’une chose à la fois. Bien que, comme l’a dit le Bouddha, nous pouvons avoir trois mille « instants mentaux » en un clin d’œil, nous n’en avons pas autant en général et nous ne les avons pas tous en même temps. Les instants mentaux se suivent très rapidement mais seulement un par un.

Quand nous nous concentrons, les cinq obstacles – nos pollutions mentales [désir, aversion, torpeur, agitation et doute] – ne peuvent absolument pas apparaître parce que l’esprit ne peut faire qu’une chose à la fois. Et si nous réussissons à prolonger de plus en plus la durée de notre concentration, l’esprit parvient à se laver de ses pollutions les plus grossières.

Notre esprit, cet outil unique dans tout l’univers, est le seul que nous ayons. Si quelqu’un possède un excellent outil, il en prend assurément grand soin : il le polit, retire toute trace de rouille, l’aiguise, le graisse et le laisse au repos de temps en temps. De même, nous qui avons ce merveilleux outil qu’est l’esprit, capable d’accomplir n’importe quoi, y compris le complet éveil spirituel, nous devons apprendre à l’entretenir et le polir, faute de quoi il ne fonctionnera pas correctement.

Pendant la méditation, nous apprenons à vider l’esprit de ce que nous ne voulons pas y garder. Nous ne voulons garder à l’esprit que notre objet de méditation. Quand nous y parvenons de mieux en mieux, nous commençons à utiliser cette même capacité dans notre vie quotidienne pour nous aider à lâcher les pensées qui ne sont pas bénéfiques. C’est ainsi que notre pratique de la méditation nous aide au quotidien et que notre attention aux pensées bénéfiques dans la vie quotidienne nous aide dans la pratique de la méditation. La personne qui parvient à maîtriser ses pensées et apprend à penser uniquement à ce qu’elle veut, est un être « éveillé » ou arahant.

Ne soyez pas surpris si ce lâcher prise des pensées ne fonctionne pas tout le temps ; il fonctionnera certainement de temps en temps. On ressent une détente et un soulagement extraordinaires quand on arrive à penser, ne serait-ce qu’un instant, à ce que l’on veut penser parce que l’on est devenu maître de l’esprit au lieu d’être sous son emprise. L’implication dans toutes les pensées qui peuvent surgir, joyeuses ou tristes, sans cesse  fluctuantes – voilà ce que nous apprenons à lâcher quand nous parvenons à maintenir notre attention sur l’objet de méditation.

La seconde étape consiste à entraîner l’esprit. Un esprit non entraîné est comme une masse vacillante et fluctuante qui court d’un objet à l’autre et a beaucoup de mal à s’arrêter quelque part. Il vous est certainement arrivé, en lisant un livre, de réaliser, à la fin d’une page, que vous ne saviez pas ce que vous aviez lu et de devoir relire toute la page. L’esprit doit être entraîné pour pouvoir rester posé sur un point unique. C’est comme faire des pompes ou lever des poids : on développe des « muscles » dans l’esprit. La force ne peut venir qu’en entraînant l’esprit à faire exactement ce que l’on veut qu’il fasse, à se poser quand on veut qu’il se pose.

Cette force engendrée dans l’esprit est également liée au renoncement, au lâcher-prise que la concentration implique. Comme nous ne sommes pas des êtres éveillés, nous avons tous un ego assez fort. Le syndrome du « moi » et du « mien », ainsi que celui des opinions personnelles bien arrêtées, sont à l’origine de tous les problèmes du monde. Nous pouvons être certains que l’ego est renforcé quand nous pensons, parlons, lisons, voyons un film ou utilisons l’esprit dans l’intérêt de l’ego. Le grand renoncement qui naît de la méditation consiste à abandonner toute pensée. Quand il n’y a personne qui pense, il n’y a pas d’ego à affirmer.

Au début, il ne sera possible de lâcher les pensées que momentanément, mais c’est un pas dans la direction juste. La voie spirituelle n’est qu’une question de lâcher-prise ; il n’y a rien à obtenir ou à gagner. Bien que ces mots aient souvent été utilisés, ils ne sont qu’un moyen d’expression. En réalité, une voie spirituelle est une voie de renoncement, de lâcher-prise ; un abandon incessant de tout ce que nous avons construit autour de nous. Cela inclut nos possessions, nos habitudes conditionnées, nos idées, nos croyances et nos schémas de pensée. Il est difficile d’arrêter de penser en méditation parce que c’est comme un renoncement, un moment où l’ego perd tout support. Quand cela se produit pour la première fois, l’esprit réagit immédiatement en se disant : « Mais que s’est-il passé ? » et, bien sûr, on se retrouve à penser à nouveau !

Réussir à maintenir l’esprit posé sur un point unique permet de développer des « muscles » dans l’esprit ; cela lui donne force et puissance. L’enseignement du Bouddha est profond et extraordinaire, et seul un esprit profond et extraordinaire pourra vraiment avoir la compréhension de ce que le Bouddha a enseigné. Par conséquent, nous devons entraîner l’esprit dans ce but.

La force physique permet d’accomplir ce que nous voulons faire avec le corps. La force de l’esprit permet de faire la même chose avec l’esprit. Un esprit fort ne souffre pas de l’ennui, de la frustration, de la dépression ou de la tristesse. Il a appris à lâcher ce qu’il ne veut pas entretenir ; la pratique de la méditation lui a donné les muscles nécessaires pour cela.

L’esprit – l’outil le plus précieux et le plus complexe qui soit dans l’univers – a également besoin d’être mis au repos. Or nous pensons depuis notre plus jeune âge, sans compter toutes les innombrables vies qui ont précédé celle-ci. Toute la journée, nous pensons ; toute la nuit, nous rêvons ; il n’y a pas un instant de repos. Nous allons bien en vacances mais qu’est-ce qui va en vacances ? C’est le corps ! Il va à la plage, à la montagne, dans un pays nouveau mais que fait l’esprit ? Au lieu de penser à tout ce qui le préoccupe à la maison ou au travail, il pense aux choses qu’il va pouvoir visiter, écouter ou goûter dans ce nouveau lieu. L’esprit ne prend pas de vacances ; il pense simplement à autre chose.

Si nous ne laissions pas le corps se reposer, la nuit, il ne fonctionnerait pas très longtemps. Notre esprit a, lui aussi, besoin de repos mais ce repos ne peut être obtenu dans le sommeil. Le seul moment où l’esprit peut vraiment se reposer, c’est quand il arrête de penser et commence à simplement ressentir les choses. L’une des images que l’on utilise pour parler de l’esprit est un écran blanc sur lequel un film est projeté en continu. Parce que le film – le jeu permanent des pensées – est continu, on oublie qu’il y a forcément un écran derrière, sur lequel tout cela est projeté.

Si, en méditation, nous arrêtons le film un instant, nous faisons l’expérience de la pureté originelle de notre esprit. C’est un moment de félicité extraordinaire, un moment porteur d’une forme de bonheur introuvable ailleurs ni autrement, un bonheur indépendant des circonstances extérieures. Il n’est pas inconditionné mais il est conditionné uniquement par la concentration. Il ne dépend pas de la qualité de la nourriture ou du climat, des distractions ou des relations avec les gens ; il ne dépend ni des autres ni de leurs réactions positives ni des objets que l’on possède car tout cela n’a rien de stable, on ne peut compter dessus parce que ces choses changent tout le temps. Par contre, on peut compter sur la concentration si on la pratique régulièrement.

Une fois que la verbalisation mentale s’arrête, non seulement le calme apparaît mais il y a aussi un sentiment de contentement. L’esprit a enfin trouvé sa place. Nous ne serions guère heureux si notre corps n’avait pas de maison, pas de lieu où se poser. De même, nous ne pouvons être heureux si nous n’avons pas d’endroit où poser notre esprit. Cet espace paisible et calme est la demeure de l’esprit. Il peut y trouver refuge et s’y reposer, exactement comme le corps se repose, après une journée de travail, dans un fauteuil et, la nuit, dans un lit. Désormais, l’esprit peut lui aussi se détendre. Il n’est pas obligé de penser.

Toute pensée crée du mouvement dans l’esprit et, de ce fait, une friction apparaît. Tout ce qui bouge crée une friction. Mais, dès l’instant où nous détendons l’esprit et le laissons se reposer, il gagne en force ainsi qu’en joie car il sait, maintenant, qu’il peut se poser à tout moment. La joie trouvée en méditation se transpose dans la vie quotidienne car l’esprit sait désormais que rien ne doit être pris trop au sérieux, qu’il peut rentrer chez lui pour y retrouver le calme et la paix.

Telles sont les principales raisons pour lesquelles la vie ne peut jamais être pleinement satisfaisante sans la méditation. Elle peut nous offrir des circonstances extérieures agréables mais la satisfaction que l’on trouve grâce à la vie intérieure est beaucoup plus vaste. Le lâcher-prise, le renoncement, apportent une vision profonde, la compréhension que l’ego ne fait que vouloir, vouloir et, par conséquent, vouloir penser aussi. Quand l’ego cesse de vouloir, il n’a pas besoin de penser. Quand l’ego cesse de vouloir, toute forme d’insatisfaction disparaît. Voilà pourquoi nous devrions méditer.

Les Emotions – Lama Guendune Rinpoché

Ce document est tiré d’un enseignement de Lama Guendune Rinpoché.
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Réfléchissez à l’impermanence

Impermanence
Impermanence

Réfléchissez aux différents aspects de l’impermanence. Vous constaterez que rien ne dure, que rien n’est stable. Vos croyances, vos émotions, vos sentiments pour les êtres, les biens acquis, les objectifs fixés pour le futur, tout peut se transformer et s’effondrer en un instant.

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D’un point de vue bouddhiste, la vie n’a ni sens ni objectif

Le Point – Publié le 21/10/2012 à 12:14 – Modifié le 22/10/2012 à 16:21

Pour le Dzogchen Ponlop Rinpoché, maître tibétain atypique : être bouddhiste au XXIe siècle, c’est d’abord être un rebelle.
Ponlop Rinpoché vit sa fonction honorifique en parfaite adéquation avec son temps.
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Thich Nhat Hanh — Les 5 enseignements de la Pleine Conscience

Thich Nhat Hanh
Thich Nhat Hanh

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La pratique de Tonglen – Lama Guendune Rinpoche

Libre et tranquille
Libre et tranquille

TONGLEN, l’échange de soi avec les autres, la pratique dite de Tonglen : prendre et donner
par LAMA GUENDUNE RINPOCHE

Tout d’abord, laissons notre esprit se détendre complètement et s’établir dans un état de repos total, sans nous arrêter sur aucune sensation ou perception de nous-mêmes et de ce qui nous entoure.

Développons la certitude que tout ce qui se manifeste est notre propre esprit, et ne nous attachons plus à saisir le monde extérieur comme séparé de nous.

Restons simplement détendus dans cette conscience, l’esprit parfaitement calme et paisible.

Peu à peu, nous prenons conscience du mouvement de notre respiration. Laissons ce mouvement se faire naturellement, sans chercher à le modifier ou à respirer d’une manière particulière.

Imaginons que, à chaque expiration, les mérites et les vertus, que nous avons accumulés depuis la nuit des temps et qui sont la cause de notre bonheur présent, sortent de notre corps avec l’air que nous expirons et se dissolvent dans tous les êtres de tous les mondes.

Ces mérites et ces vertus ont la capacité de faire disparaître toutes les souffrances, toutes les maladies et tous les obstacles, de la même manière que le soleil dissipe le brouillard lorsqu’il commence à briller. Tous ces êtres ressentent alors un sentiment de grand soulagement et de grande joie.

Nous imaginons ensuite que, au moment de l’inspiration, toutes les difficultés, les maux et les souffrances de tous les êtres sont absorbées en nous et se dissolvent dans notre cœur, et qu’ainsi ces derniers en sont définitivement délivrés.

Nous nous réjouissons à l’idée de les savoir libérés de leur souffrance et établis dans le bonheur pour toujours.

Au terme de cette méditation, nous nous établissons dans un état de vacuité dans lequel nous dissolvons toute saisie sur le fait de prendre la maladie et la souffrance en nous comme quelque chose existant réellement. Nous nous affranchissons des notions de sujet, d’objet et d’acte, de toute fixation réaliste.

En demeurant ainsi dans la vacuité sans référence, nous dépassons notre peur d’être contaminés par la souffrance des autres. Nous pouvons alors expérimenter la dimension vide et non existante de tous les êtres et de toutes les situations.

Cette conscience de la vacuité est la protection suprême contre toutes les peurs.

Si la pratique qui vient d’être décrite s’accompagne d’une motivation correcte, peu à peu apparaît la capacité de l’appliquer à la vie ordinaire.

Au fur et à mesure que nous pratiquons cette méditation, nous développons une tendance qui transparaît dans tous les actes de notre corps, notre parole et notre esprit. Nous sommes beaucoup plus disposés à accepter nos difficultés, à aider les autres à se libérer des leurs. Nous sommes plus enclins à offrir nos qualités et nos actions vertueuses à tous les êtres, afin qu’ils en expérimentent le résultat positif.

Quand une telle attitude anime tous les aspects de la vie quotidienne, elle peut nous conduire au parfait éveil. Si nous ne développons pas une motivation réellement pure, nous nous efforcerons d’aider tel ou tel au gré des situations, avec l’impression d’être sincère. Cependant, lorsque la personne, loin d’éprouver de la gratitude, nous en voudra, nous critiquera et nous opposera son ressentiment et sa haine, nous perdrons alors nos bonnes résolutions et nous nous dirons : « cela me servira de leçon, et à l’avenir, même si l’occasion se présente, je ne ferai plus rien pour l’aider ». Par cette pensée, notre engagement à aider les autres sera endommagé.

C’est pourquoi notre vœu doit être complètement désintéressé et inconditionnel. Il doit également s’appliquer à tous sans distinction, sans faire de différence entre ceux qui répondent positivement et ceux qui rejettent notre aide.

Faire preuve de partialité, ne serait-ce qu’à l’égard d’un seul être, ou abandonner mentalement un seul d’entre eux suffit à créer un manquement envers nos engagements.

Pour éviter cela, nous devons nous entraîner sans cesse à affermir notre motivation, afin qu’elle puisse résister aux circonstances, quelles qu’elles soient. Pour que notre aspiration altruiste se renforce et s’enracine vraiment en nous, il nous faut établir une base solide d’activité positive par laquelle nous allons rassembler du mérite ou, en d’autres termes, de l’énergie positive.

Au fur et à mesure que cette énergie positive augmentera, se développera l’attitude éveillée authentique. Cette accumulation de mérite est comparée au tronc d’arbre à partir duquel apparaît le fruit, la réalisation de la réalité ultime : le dharmakaya. L’accumulation de mérite est constituée par l’accomplissement d’actions positives au niveau du corps, de la parole et de l’esprit. Elle a pour effet de purifier tous les actes négatifs accumulés antérieurement. Toutes les actions négatives de nos vies passées ont été commises avec le corps, la parole ou l’esprit ; il n’y a aucun moyen d’agir. Si, à partir de maintenant, nous utilisons notre corps, notre parole et notre esprit pour créer du mérite, nous purifions à chaque niveau nos actes négatifs antérieurs.

Le Karma : fiction ou réalité ?

Karma
Karma

Comment savoir s’il est vrai qu’il y a des vies passées et futures ?

L’esprit est voilé et sous le pouvoir de l’ignorance, aussi ne peut-il percevoir l’existence de la réincarnation. Les vies passées s’expliquent par la présence d’un courant de conscience qui était là avant et qui se continue maintenant ; les vies futures sont la continuation logique de ce même courant de conscience.

Cela n’a rien à voir avec le fait de croire que les bouddhistes ont raison ou non. Les scientifiques, et même les gens ordinaires, avancent des conclusions fondées sur la présence d’une preuve vérifiable concrètement. De même, les bouddhistes utilisent le raisonnement et la logique avant d’affirmer l’existence ou non de quelque chose. Prenons un exemple concret : celui qui voit de la fumée en déduit l’existence d’un feu, sans même l’avoir vu de ses yeux. Dans ce cas, on n’a pas vu le feu et pourtant, par déduction et en utilisant la logique, on arrive à une conclusion. De même, ceux qui s’intéressent à la nature de l’esprit en déduisent par la logique et le raisonnement que le courant de conscience présent est la suite logique de celui d’une vie antécédente qui se continue et qui prend un nouveau corps.

Lama Samten

Le renoncement

Renoncement
Renoncement

LE RENONCEMENT

Afin de pouvoir embrasser pleinement la voie spirituelle, de pouvoir y grandir et de la parcourir avec un sentiment de sécurité, nous devons d’abord passer par le renoncement. Le renoncement ne signifie pas nécessairement se raser les cheveux ou s’engager sur la voie monastique.

Le renoncement signifie lâcher toutes les idées et tous les espoirs auxquels l’esprit voudrait s’accrocher, et souhaiter profondément comprendre, analyser, aller au fond des choses.

L’esprit voudrait toujours plus de tout. S’il ne peut obtenir davantage, il s’invente toutes sortes d’histoires qu’il projette ensuite sur le monde. Cela n’apportera jamais aucune satisfaction véritable, aucune paix intérieure car celle-ci ne peut être que le fruit du renoncement. « Lâcher-prise » est le mot-clé de la voie bouddhiste, la disparition progressive du désir. Nous devons comprendre une bonne fois pour toutes que « davantage » ne signifie pas « meilleur ». Vouloir davantage n’a jamais de fin, il y aura toujours une chose qui nous manquera. Il est par contre tout à fait possible d’atteindre le bout de la voie du renoncement ; c’est donc une approche bien plus sensée.
Pourquoi participer à une retraite méditation et manquer ainsi toutes les opportunités de réjouissances qu’offre le monde ? Vous pourriez voyager, vous investir dans un travail valorisant, rencontrer des gens intéressants, écrire des lettres ou lire des livres, avoir du bon temps ailleurs et vous sentir tout à fait bien ; vous pourriez même trouver une autre voie spirituelle. Quand la méditation est infructueuse, on peut se dire : « Qu’est-ce que je fais là? Pourquoi suis-je assis ici ? Qu’est-ce que je peux espérer en obtenir ? » Puis une idée surgit : « Je n’y arrive vraiment pas bien du tout, je devrais peut-être essayer autre chose. »

 

Le monde est plein de promesses alléchantes mais il ne tient jamais ses promesses.

Jamais. Tout le monde a essayé nombre de ses tentations, mais aucune n’a vraiment été pleinement satisfaisante. La satisfaction véritable, la paix parfaite, l’absence de désir, ce bien-être qui consiste à être bien sans rien désirer, tout cela ne peut se trouver dans le monde. Rien ne peut assouvir pleinement et définitivement nos besoins. L’argent, les biens matériels, la compagnie d’une autre personne peuvent apporter un bien-être passager, mais nous sommes toujours en proie au doute : « Peut-être que je pourrais trouver quelque chose de mieux, de plus satisfaisant, de plus facile, de moins contraignant… et surtout, quelque chose de nouveau. » Car ce qui est nouveau est toujours plein de promesses.
Il faut comprendre l’esprit tel qu’il est : c’est un sens comme les autres, qui a pour organe le cerveau, tout comme la vue a pour organe l’œil. Dès que la conscience apparaît et que le contact est établi, nous commençons à croire qu’il y a un « moi » qui pense et qui est même propriétaire de ces pensées. De ce fait, nous sommes très intéressés par nos pensées et nous voulons les préserver – il est bien connu que les gens veillent davantage sur ce qui leur appartient que sur les biens de leurs voisins – de sorte que chacun suit ses propres pensées et croit à ce qu’elles racontent.

Mais ces pensées n’apporteront jamais le bonheur ; elles apportent espoir, inquiétude et doute.

Parfois elles sont amusantes, d’autres fois déprimantes. Quand le doute apparaît, et que l’on se laisse emporter par lui, on peut en arriver au point de cesser complètement la pratique. Pourtant, pratiquer la méditation est la seule manière de vérifier que la vie spirituelle apporte la plénitude. Tout comme il faut se nourrir pour apporter la preuve des bienfaits de la nourriture : personne d’autre ne peut nous le prouver ; chercher des preuves à l’extérieur pour n’avoir plus qu’à s’emparer de la nourriture et l’avaler n’est pas une approche juste.

La plénitude que nous recherchons n’est pas quelque chose que nous pouvons saisir et avaler pour remplir notre corps et notre esprit. Le trou béant de nos désirs et de nos attachements est trop profond pour pouvoir être comblé.

La seule manière que nous ayons d’atteindre la plénitude est de laisser aller tous nos désirs, toutes nos attentes et tout ce qui peut traverser notre esprit, de sorte qu’il n’y ait plus de sensation de manque. Dès lors, il n’y a plus rien à combler.

Le malentendu qui revient sans cesse est dû à notre attitude : « Je veux recevoir. Je veux obtenir la connaissance, la compréhension, l’amitié bienveillante, la considération. Je veux atteindre l’Eveil. » Mais il n’y a rien que nous puissions recevoir de l’extérieur, hormis une méthode et des instructions pour bien pratiquer. Il est indispensable de faire l’effort de pratiquer au quotidien pour connaître la purification.

L’insatisfaction chronique dont nous souffrons ne peut pas être comblée par quelque chose de nouveau qui nous serait donné.

Nous ne savons même pas d’où ce quelque chose pourrait venir : peut-être du Bouddha, ou du Dhamma, ou de notre maître. Nous voudrions peut-être que cela nous arrive par la méditation ou la lecture d’un livre… La réponse ne viendra pas d’un quelconque apport extérieur à nous ; elle se trouve dans le renoncement radical.
De quoi faut-il se débarrasser en priorité ? De préférence, commençons par nous libérer de toutes les circonvolutions de l’esprit, de toutes ces histoires insensées et irréalistes qu’il nous raconte et que nous ne pouvons pas nous empêcher de croire. Une façon simple de ne pas nous laisser piéger par ces histoires est de les coucher sur le papier ; une fois écrites, elles paraissent aussi ridicules qu’elles le sont en réalité. L’esprit peut toujours continuer à inventer de nouvelles histoires ; c’est sans fin. C’est pourquoi la clé de la libération est dans le renoncement : laisser passer, lâcher-prise.
Laisser aller, c’est aussi laisser monter l’intuition profonde, subconsciente, que ce que le monde propose n’est pas satisfaisant, qu’il y a une autre voie.

Il n’est pas possible de continuer à rester dans le monde en essayant d’y ajouter sans cesse quelque chose de nouveau ;

nous devons renoncer une fois pour toutes à ce genre d’ambition. Rester comme nous sommes et ajouter quelque chose : comment cela pourrait-il fonctionner ? Ajouter une pièce à une machine qui ne fonctionne pas ne la fera pas fonctionner ; c’est toute la machine qu’il faut réviser !

Cela signifie qu’il faut accepter consciemment ce que nous savons déjà au fond de nous : que notre façon habituelle de penser n’a aucune utilité. La preuve en est que dukkha – l’insatisfaction, la souffrance – est toujours là. Il revient sans cesse, n’est-ce pas ? On peut se dire parfois : « C’est de la faute de telle personne » ou bien : C’est sûrement à cause du mauvais temps ». Et puis le temps s’améliore ou la personne en question est partie, mais dukkha est toujours présent. Nous voyons bien que ce n’était pas la cause de notre insatisfaction, alors nous cherchons d’autres raisons. Au lieu de cela, nous devons nous montrer souples et attentifs pour observer ce qui apparaît dans l’esprit, une fois éliminées toutes les circonvolutions, les inventions et l’agitation. Ce qui apparaît alors peut être pur ou impur, et nous devons apprendre à traiter chacune de ces manifestations.
Dès que nous cherchons à expliquer et rationaliser ce qui se passe alors, tout le processus s’écroule à nouveau.

Nous devons arrêter de penser que nous devons ajouter quelque chose à ce qui est pour devenir un tout.

Nous devons, au contraire, retirer absolument tout ce que nous pouvons nommer pour pouvoir être « un ».

Le renoncement, c’est le lâcher-prise de tous les concepts, de toutes ces pensées qui prétendent que nous sommes quelqu’un qui sait.

Mais d’où nous vient la connaissance de cette personne qui sait ? Ce ne sont là que des idées qui se bousculent, qui apparaissent et disparaissent sans cesse. Le renoncement ne se manifeste pas à l’extérieur ; ce qui se voit n’en est que le résultat.

L’origine est à l’intérieur de soi, et c’est là que nous devons pratiquer. Si vous pensez qu’un monastère est propice à la méditation, vous verrez que cela ne suffit pas : la méditation ne peut se faire sans le renoncement.

par Ayya KHEMA

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